A l’initiative du groupe Ecolo, le Conseil communal de Charleroi a adopté ce lundi 25 novembre, une motion Charleroi Ville Hospitalière.

Parce que Charleroi s’est construite sur les flux migratoires qui ont fait sa prospérité. Parce que sa réputation de ville ouverte, conviviale, solidaire et chaleureuse doit beaucoup à cette histoire ouverte sur le monde.

Parce que nous refusons le repli sur soi, la peur irrationnelle de l’autre au motif qu’il est étranger.

Parce que nous luttons contre tous les populismes qui vivent de cette peur et de ce repli:

Motion Ecolo : Charleroi : Une Ville Hospitalière

Le Conseil Communal de Charleroi,

Vu les engagements européens et internationaux pris par la Belgique pour le respect des droits fondamentaux des personnes et en particulier des plus vulnérables : Déclaration universelle des droits humains, Convention européenne de sauvegarde des droits humains, Déclaration des droits de l’enfant, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;

Vu les engagements pris par la Belgique en matière de protection des personnes réfugiées dans le cadre de la Convention de Genève de 1951, et les engagements de la Belgique pris en matière de relocalisations et de réinstallations;

Vu l’adhésion de la Belgique au Pacte global de Marrakech pour des migrations sûres, ordonnées et régulières;

Vu l’article 22bis de la Constitution belge qui consacre notamment que, dans toute décision concernant un enfant, son intérêt supérieur est pris en considération de manière primordiale ;

Vu l’article 23 de la Constitution belge garantissant à chacun le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine et de jouir de droits économiques, sociaux et culturels ;

Vu le positionnement de la Ville de Charleroi contre le projet de Centre fermé sur son territoire ;

Considérant la multiplication des crises politiques et socio-économiques et la prolongation des conflits amenant des femmes, des hommes et des enfants à prendre des routes migratoires de plus en plus dangereuses, parfois au péril de leurs vies;

Considérant  que  les  migrations  ont  forgé  le  monde  et  continueront  de  le  faire,  qu’elles  soient choisies ou forcées, que les migrations ont été une chance et une richesse pour nos sociétés – pour peu qu’une politique active d’accueil soit mise en place ;

Considérant que la Belgique est une terre d’asile et un état de droit ;

Considérant que chaque citoyen.n.e a le droit d’accéder aux informations détenues par les autorités publiques ;

Considérant que l’aide apportée par les citoyen.ne.s aux personnes migrantes pour des motifs humanitaires relève de l’exception humanitaire et ne peut donc pas être considérée comme un délit ;

Considérant le devoir de protection publique des défenseur.se.s des droits humains énoncé dans la Déclaration des Nations unies sur les défenseur.se.s des droits humains ;

Considérant qu’une personne sans papiers est une personne qui n’a pas ou plus de titre de séjour en Belgique

Considérant que les opérations ciblant spécifiquement les personnes sans-papiers ne font pas partie des missions prioritaires de la police locale et que les interventions policières doivent être nécessaires et proportionnées au danger qui menace ;

Considérant les condamnations de la Belgique par la Cour européenne des droits humains, pour la détention d’enfants mineurs en centres fermés, jugeant ces derniers inadaptés ;

Considérant que le Conseil d’Etat a, dans un arrêt rendu le 28 avril 2016, rappelé que l’Office des étrangers ne peut détenir en centre fermé, à n’importe quelles conditions, une famille avec enfants mineurs ;

Considérant que, dans son courrier du 5 juin 2018 adressé au secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, la Commissaire aux droits humains du Conseil de l’Europe, a déploré l’absence de solutions de rechange efficaces à l’enfermement d’enfants avec leur famille dans des unités spécifiques à Steenokkerzeel, a rappelé que des enfants ne devraient jamais être enfermés, et a recommandé au secrétaire d’Etat de résoudre cette situation en accroissant les efforts pour améliorer les solutions de rechange ;

Considérant que la Cour européenne des droits humains a, à plusieurs reprises, jugé que le placement d’enfants dans des centres fermés constitue un traitement inhumain et dégradant, étant donné la vulnérabilité spécifique des enfants, et constitue ainsi une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits humains ;

Considérant que le coût de séjour dans un centre fermé est 4 fois plus élevé que celui dans un centre ouvert et que le développement d’alternatives à la privation de liberté d’un enfant et de mesures moins coercitives aurait donc un coût moins élevé et permettrait d’être en conformité avec les Conventions internationales et la Constitution belge ;

Considérant que la  recherche a montré que la détention a un impact négatif profond et durable sur la santé et le développement des enfants ;

Considérant que les campagnes « Communes hospitalières », « On n’arrête pas un enfant. Point », « Droit à un toit » et « Amoureux vos papiers » sont des initiatives citoyennes de défense des droits fondamentaux;

Considérant que les institutions communales sont le premier échelon vers lequel les citoyens se tournent, que la confiance tant dans la police que dans les services administratifs est fondamentale pour le bien vivre ensemble;

Considérant que l’accueil des personnes (étrangères) sans titre de séjour légal n’est pas le seul fait des compétences fédérales, que le vivre ensemble relève aussi de l’échelon le plus proche des citoyen.ne.s que  constitue la commune, que c’est à cet échelon que la convivialité, la rencontre peuvent se  construire entre tou.te.s les citoyen.ne.s d’une commune, que les communes peuvent aussi faire la différence en prônant l’hospitalité au niveau local ;

Considérant, qu’à cet égard, le Collège des Bourgmestre et Echevins, le CPAS de Charleroi et le réseau associatif local ont déjà pris une série d’initiatives visant à mettre en place des conditions d’accueil conformes à la dignité humaine, notamment, en s’engageant comme Commune Hospitalière.

Considérant que la ville de Charleroi a conclu une convention avec le Centre Régional d’Intégration de Charleroi et soutient ses activités

Considérant que dans notre ville, les ressortissants étrangers et les belges s’acquittent des mêmes redevances pour la délivrance des documents administratifs

PREND la résolution ferme de respecter et de protéger les droits fondamentaux des personnes présentes sur leur territoire ;

S’ENGAGE à :

  • Etre une commune où tous les bâtiments communaux vides peuvent potentiellement devenir des logements, par les engagements et actions concrètes suivants :
    • Dans la mesure du possible, publier la liste des bâtiments communaux vides, en toute transparence ;
    • Etablir, autant que faire se peut, un cadre de concertation avec les secteurs associatifs concernés;
    • Dans le cadre des moyens disponibles, avoir une véritable démarche permettant un accès encadré aux bâtiments communaux inoccupés et la mise à disposition d’habitats collectifs, par des conventions d’occupation avec le secteur associatif concerné, à destination de toutes les personnes dont le droit au logement n’est pas respecté ;
    • Réaffirmer le soutien à l’exception humanitaire, au respect de la vie privée, et aux frontières du domicile dont bénéficient les hébergeur.se.s ;
    • Garantir un environnement sûr et propice à la défense des droits humains et la protéger des sanctions, représailles et intimidations ;
    • Faire respecter l’article 15 de la Constitution qui instaure le principe d’inviolabilité du domicile en ne procédant à aucune arrestation sans mandat du juge au domicile d’une personne sans papiers ou sans titre de séjour légal, de proscrire des procédés comme des ruses qui viseraient à contourner le principe fondamental de l’inviolabilité du domicile ;
  • Etre une commune qui refuse les opérations policières ciblant les personnes sans-papiers, par les engagements et actions concrètes suivants :
    • Limiter au strict minimum la participation de la police communale aux opérations conjointes de contrôle d’identité -avec la police fédérale, ou avec les contrôleurs de transports en communs-, par une directive du Bourgmestre au chef de corps ou par tout autre moyen ;
    • Ne pas participer à des opérations visant uniquement le contrôle d’identité et de régularité ou non du séjour des personnes, des enfants ou des familles sans papiers sur le chemin de l’école, aux abords des écoles, à la sortie des lieux de culte, des occupations, dans les transports en commun ou dans les lieux où des services d’aide sont offerts ;
    • Bien préciser les motifs de convocation dans les courriers adressés par les communes aux personnes sans-papiers, comme le rappelle l’arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme prononcé dans son arrêt Conka contre la Belgique en 2002 ;
    • Faire primer le statut de victime d’une personne sans papiers quand elle a subi une infraction ou quand elle porte plainte en faisant abstraction de statut de personne sans titre de séjour légal ;
  • Etre une commune qui refuse l’enfermement des enfants, par les engagements et actions concrètes :
    • Refuser que des mineur.e.s soient détenu.e.s dans notre pays uniquement sur base de leur statut migratoire ou de celui de leur parent ou tuteur ;
    • Relayer au Parlement fédéral la demande de sortir immédiatement les mineur.e.s des centres fermés, tout en respectant le droit à vivre en famille ;
  • Etre une commune qui assure le traitement le plus humanitaire et le plus égalitaire possible quel que soit le titre de séjour, dans le respect de la législation en vigueur et notamment :
    • qui ne soupçonne pas toute union mixte d’être une union de complaisance
    • qui ne prive pas un enfant d’une filiation paternelle simplement pour ne pas régulariser un ressortissant en séjour illégal
  • Assurer le suivi de cette motion, par les engagements et actions concrètes suivants :
    • Désigner une personne référente ;
    • Mettre en place un comité de suivi et d’évaluation de son implémentation qui inclut les services de l’administration et les représentant.e.s du collège concernés, des représentants des associations et organismes concernés ;
    • Réunir ce comité au moins deux fois par an.
    • Transmettre la motion à Monsieur le Président de la Chambre, aux différents chefs de groupes parlementaires, ainsi qu’à Monsieur le ou Madame la. Premier.e. Ministre.